La période qui s'ouvre, grosso modo, au début des
années 1980 a été propice à une certaine révision du concept de
"stratégie" dans la littérature théorique. Comme le soulignent de
nombreux auteurs (Hayes et Abernathy 1980 aux États-Unis; Joffre et Koenig
1985; Martinet 1987; Ramanantsoa 1984 en France), le modèle rationnel et
analytique dans lequel la stratégie traditionnelle puisait ses concepts – et
qui se concrétisait dans les "modèles de portefeuille" et dans la
"planification stratégique" – est alors mis à mal à la fois sous
l'effet de l'instabilité des marchés et de la "turbulence de
l'environnement", mais aussi sous l'effet d'un renouvellement de la pensée
stratégique par des auteurs venus de l'économie industrielle.
La baisse de la productivité des entreprises américaines
que l'on oppose aux succès rencontrés par les entreprises japonaises, mais
aussi la désillusion des états-majors des grandes compagnies américaines à
l'égard de la planification stratégique va présider au développement du
"management stratégique", dans lequel le système de prévision de
l'entreprise accuse un double repli, à la fois temporel (l'horizon de
planification se raccourcit) et dimensionnel - "le stratège abandonne les
tendances lourdes de l'environnement au profit de l'analyse fine des ruptures
les plus significatives" (Joffre et Koenig 1985 p 1).
Le courant radical qui se développe alors aux États-Unis
n'est pas seulement le fait des milieux d'affaires (General Electric, Texas
Instrument ou Xerox, d'après Naylor et Thomas 1983). Il est aussi porté par
certains universitaires. Les orientations qui se développent sont marquées par
deux tendances fortes :
- La mise en évidence des limites des modèles de portefeuille de la
première génération qui avaient emprunté leurs fondements conceptuels à
deux disciplines majeures: le marketing et la finance. En effet, tour à
tour la finance et le marketing ont alimenté l'analyse stratégique en
concepts et ont influencé de manière significative la manière d'envisager
le processus d'allocation des ressources au sein de l'entreprise
multi-produits. Wensley (1982) tente de montrer les limites des modèles de
portefeuille à travers sa publication où Betas correspond à la domination
des modèles financiers, Boxes à celle des modèles marketing et Basics aux
fondements de la stratégie classique.
- L'attention portée à l'analyse de l'environnement concurrentiel. Ce sont
les travaux de Michael Porter qui vont le mieux illustrer la tendance à
lier désormais analyse stratégique et analyse concurrentielle. Ils
arrivent à point nommé pour combler une lacune souvent observée dans les
recherches d'alors et qui vient de l'absence d'une mise en évidence du lien
entre stratégie d'entreprise et concurrence. Car la concurrence est, pour
M. Porter, le facteur déterminant des stratégies d'entreprise."La
concurrence est au centre de la réussite ou de l'échec des firmes",
écrit-il, avant de définir ainsi la stratégie: "La stratégie vise
à l'obtention d'une position rentable et durable au milieu des forces qui
définissent le cadre concurrentiel du secteur".
L'importance accordée désormais à l'environnement
concurrentiel ne va, d'ailleurs, pas tarder à se manifester par un changement
de paradigme dans les modèles stratégiques: les matrices des années 1980 sont
conçues et positionnées par rapport à l'obtention d'un avantage concurrentiel
beaucoup plus que par rapport à la croissance de la part de marché. La matrice
du BCG (Boston Consultant Group), qui reposait traditionnellement sur le rapport
taux de croissance/part de marché fait l'objet d'une reformulation destinée à
permettre une meilleure prise en compte des changements de l'environnement
concurrentiel (rapport d'activité du BCG de 1982). Le repérage des
environnements concurrentiels constitue désormais la première étape de la
démarche désormais préconisée. Là encore, c'est Porter qui va pousser le
plus loin l'analyse. On peut recenser les principaux apports de ses premiers
ouvrages (1980 et 1985) autour de quelques grands axes.
Une approche
renouvelée de l'environnement de la firme
La relation de l'entreprise à son environnement est
traditionnellement une question clé tant de l'économie industrielle que de
l'analyse stratégique. On sait d'ailleurs que la pensée stratégique oscille
depuis longtemps entre ces deux pôles : l'entreprise et l'environnement, sans
parvenir aisément à les appréhender conjointement. Cette limite renvoie à la
difficulté de traiter simultanément de la contrainte et de la liberté,
l'environnement étant souvent perçu comme relevant de l'ordre de la contrainte
et le choix stratégique de l'entreprise, de l'ordre de la liberté. Ceci
explique aussi que l'analyse de la relation n'a pas toujours échappé à des
modèles déterministes, en particulier Lawrence et Lorsch (1969) avec leur
théorie du choix approprié (contingency approach).
Par ailleurs, les références successives à l'environnement
n'ont pas toujours intégré les mêmes dimensions ni pris en compte les mêmes
variables. L'environnement a pu ainsi être appréhendé successivement sous
l'angle principal de la variable technologique et des systèmes techniques
(Woodward et le groupe d'Aston), ou sous l'angle combiné du marché, de la
technologie ou de la recherche (Lawrence et Lorsch), ou encore sous l'angle du
degré de perturbation et de turbulence de cet environnement (Emery et Trist,
1965). Enfin, l'analyse traditionnelle, en particulier celle de la théorie de
la contingence, étudie plus spécialement la relation entre l'environnement et
la structure d'organisation de l'entreprise, plutôt qu'entre l'environnement et
la stratégie. Mintzberg lui-même (1982), empruntant un certain nombre de
concepts à ses prédécesseurs, formule une série d'hypothèses sur les
relations susceptibles d'exister entre l'environnement et la structure de
l'organisation. Ces hypothèses, faut-il le rappeler, sont construites à partir
d'un schéma de relations entre :
- les variables indépendantes de contingence (en particulier, l'âge, la
taille de l'organisation, ou encore la régulation et la sophistication du
système technique);
- l'environnement proprement dit, caractérisé par sa stabilité, sa
complexité, sa diversité et son hostilité, la propriété et le contrôle
des actionnaires ;
- des variables intermédiaires construites à partir de caractéristiques
liées au travail, son intelligibilité, sa prévisibilité, sa diversité.
D'autres variables contextuelles interviennent, qui peuvent
altérer les formes structurelles dégagées. Parmi ces variables, le pouvoir
affecte la structure de manière importante. Mintzberg soutient la thèse selon
laquelle le fonctionnement de ce qu'il nomme "la coalition externe",
autrement dit les actionnaires et détenteurs de capitaux lorsqu'ils sont
différents du chef d'entreprise, a une influence considérable sur la structure
et le fonctionnement interne de l'organisation.
La majorité de ces théories s'intéressent donc aux
contraintes que fait peser l'environnement sur l'organisation. Toutes essaient
de décrire et d'analyser comment les organisations s'adaptent à ces
contraintes mais elles le font souvent de manière univoque, comme si les
organisations se contentaient de réagir à l'environnement et non pas d'agir en
retour sur lui pour alléger la contrainte, la modifier.
L'approche de M. Porter va se différencier de ces théories
par trois aspects:
- l'environnement est perçu sous l'angle de sa dimension concurrentielle et
sous l'angle de sa relation à la stratégie de l'entreprise, et non pas aux
structures d'organisation (toutefois le lien avec les structures
d'organisation n'est pas absent. Mais elle passe davantage par la chaîne de
valeur et la recherche d'un avantage concurrentiel (cf. ci-dessous) ;
- la scène la plus pertinente pour analyser tant la concurrence que la
stratégie est celle du secteur industriel. Un secteur industriel peut être
défini comme l'ensemble des firmes qui fabriquent un même produit ou des
produits étroitement substituables. La structure d'un secteur exerce en
effet une forte influence sur la détermination des règles du jeu
concurrentiel et sur les stratégies auxquelles la firme a la possibilité
de recourir;
- la formalisation des composantes de l'environnement concurrentiel, à
partir de cinq forces fondamentales, qui sont : la menace de l'arrivée
de nouveaux entrants sur le marché; la menace de l'arrivée de produits de
substitution ; le pouvoir de négociation des clients ; le pouvoir de
négociation des fournisseurs ; la rivalité entre les concurrents
existants.
L'état de la concurrence qui prévaut dans un secteur
dépend de ces cinq forces. Celles-ci déterminent conjointement l'intensité de
la concurrence et la rentabilité dans un secteur. Le jeu combiné de ces forces
détermine en dernier ressort le profit potentiel du secteur, mesuré ici par le
rendement à long terme du capital investi. Porter montre donc que la dynamique
concurrentielle peut s'exercer à l'intérieur du secteur par évitement des
menaces (entrants potentiels et produits substituables) et/ou négociation avec
les partenaires extérieurs (clients, fournisseurs).
Des stratégies
fondées sur la recherche d'un avantage concurrentiel
Deux questions essentielles sont celles qui commandent, d'une
part le choix du secteur, d'autre part le choix de la stratégie de concurrence
sur ce secteur. La première porte donc sur l'attrait qu'offrent les différents
secteurs en termes de rentabilité à long terme et sur les facteurs qui la
détermine. Tous les secteurs n'offrent pas, en effet, des perspectives égales
de rentabilité durable, et la rentabilité inhérente à un secteur est un
déterminant essentiel de celle de la firme.
La deuxième question centrale est que pour déterminer une
stratégie concurrentielle, il faut connaître les facteurs qui commandent la
compétitivité relative à l'intérieur d'un même secteur. Cette approche, où
le choix du secteur doit s'opérer en tenant compte des forces de la concurrence
et où la stratégie de l'entreprise doit s'élaborer à partir d'elles,
renouvelle profondément, me semble-t-il, l'analyse des mouvements de
diversification des firmes et de ce qui peut les guider.
Pour obtenir une position relative favorable face à la
concurrence – c'est-à-dire une position capable de lui assurer une
rentabilité supérieure à la moyenne du secteur – l'entreprise doit
s'assurer un avantage concurrentiel durable. L'avantage concurrentiel procède
essentiellement de la valeur qu'une firme peut créer pour ses clients en plus
des coûts supportés par la firme pour la créer. Ainsi définis, il n'existe
que deux grands types possibles d'avantages concurrentiels: des coûts peu
élevés ou une différenciation.
A partir de là, M. Porter dégage trois stratégies de base
possibles pour la firme:
La stratégie fondée sur la domination par les coûts. Par
cette stratégie, la firme entreprend de devenir le producteur à coûts peu
élevés de son secteur. Elle vise une cible large et sert de nombreux
segments du marché. "Les producteurs à coûts peu élevés vendent
généralement un produit standard et attachent le plus grand prix à tirer
parti de toutes les sources possibles de réduction des coûts" (op.
cité, p. 25). Mais la firme qui s'est assurée une domination par les coûts
doit aussi atteindre la parité ou au moins la proximité par rapport à ses
concurrents en termes de différenciation.
La stratégie fondée sur la domination par la
différenciation. Dans une stratégie de différenciation, une firme
cherche à se singulariser sur certaines dimensions fortement appréciées des
clients. Elle se met en position de satisfaire, seule, ces besoins. Cette
position unique est rémunérée par un surprix. Mais la firme qui se
différencie ne peut négliger ses coûts, parce que son surprix sera annulé
si elle occupe une position nettement défavorable sur ce plan. Les voies de
la différenciation sont propres à chaque secteur. La différenciation peut
être fondée sur le produit lui-même, sur l'approche marketing, sur le
système de distribution ou toute autre série de facteurs. La logique de la
différenciation exige que les caractéristiques retenues pour se
différencier soient uniques.
- La stratégie fondée sur la concentration.
Cette stratégie est
totalement différente des deux autres parce que la compétition repose sur le
choix d'une cible étroite. En optimisant sa stratégie à l'égard du segment
cible, la firme cherche à y obtenir un avantage supérieur, à défaut de le
posséder pour l'ensemble du secteur. Cette stratégie a deux variantes: la
concentration fondée sur les coûts et la concentration fondée sur la
différenciation. Chacune de ces stratégies de base nécessite des
compétences particulières qui se traduisent généralement dans
l'organisation et la culture de l'entreprise. Par exemple, la domination par
les coûts requiert des systèmes de contrôle serrés, une maîtrise sévère
des frais généraux, la recherche constante d'économies d'échelle et une
grande attention à la courbe d'apprentissage. Une stratégie de
différenciation sera aidée par une culture qui favorise l'innovation,
l'individualisme, la prise de risque.
- La technologie et avantage concurrentiel.
La technologie influe sur
l'avantage concurrentiel quand elle joue un rôle important dans les coûts ou
la différenciation d'une firme. La technologie est aussi un déterminant
important de la structure d'un secteur. Un progrès technologique peut, en se
répandant, influer sur chacune des cinq forces de concurrence et améliorer
ou dégrader l'attrait d'un secteur.
De la chaîne
de valeurs au champ concurrentiel
L'analyse de M. Porter offre un autre avantage: celui de ne
pas étudier seulement la stratégie adoptée face aux concurrents dans un seul
secteur, mais de l'étendre aussi à la stratégie globale d'une firme
intégrée et plus encore d'une firme diversifiée. Cette capacité est offerte
par le recours à certains concepts tels que celui de chaîne de valeur, de
champ concurrentiel, d'interconnexions ou de stratégie horizontale.
Ce faisant, il rejoint les analyses développées ailleurs et
qui concernent la notion de "champ stratégique", proposée par Lewis
du Strategic Planning Association, lequel prend en considération non
seulement les "économies d'échelle" mais encore les "économies
de champ". Ce concept (economies of scope) a été développé par les
économistes de Carnegie Mellon University. Les économies de champ apparaissent
lorsqu'il est moins coûteux de combiner deux ou plusieurs activités à
l'intérieur d'une firme que de les produire séparément. Alors que les
économies d'échelle ne sont réalisables qu'à travers la croissance, c'est le
principe de coordination qui est à l'origine des économies de champ (Panzard
et Willig, 1981).
L'un des éléments forts de la notion de "champ
stratégique" est de considérer que le choix du domaine (produit/marché)
dans lequel la firme doit s'engager est indissociable d'une analyse rigoureuse
des ressources internes que ce choix nécessite de mobiliser. Toute acquisition
ou lancement de produit ou diversification ne doit être envisagée qu'en
fonction des compétences distinctives spécifiques à l'entreprise ; cette
attitude permet de considérer une cohésion d'ensemble de l'entreprise et de
promouvoir un dénominateur commun central transversal aux lignes de produit et
aux centres de profit.
Porter, quant à lui, développe un raisonnement qui intègre
différentes étapes et différentes notions clés. Il montre notamment comment
le choix du champ concurrentiel, c'est-à-dire la gamme d'activités d'une
firme, peut jouer un rôle considérable dans la détermination de l'avantage
concurrentiel. En effet, l'avantage concurrentiel procède des nombreuses
activités qu'une firme accomplit pour concevoir, fabriquer, distribuer et
soutenir son produit. Chaque activité peut contribuer à la position relative
de la firme en termes de coûts et créer une base de différenciation.
Pour analyser les sources de l'avantage concurrentiel, il est
donc indispensable d'examiner de façon systématique toutes les activités
qu'exerce une firme et leurs interactions. L'instrument fondamental pour y
parvenir est la chaîne de valeur: "le principal instrument qui permet de
diagnostiquer un avantage concurrentiel et trouver le moyen de le renforcer est
la chaîne de valeur, qui décompose la firme en ses nombreuses activités de
conception, de production, de commercialisation et de distribution" (op.
cité, p. 42). La chaîne de valeur est ce qui donne la valeur totale. Elle
comprend les activités créatrices de valeur et la marge. La valeur est ce que
les clients sont prêts à payer ce qu'une firme leur offre. Les activités
créatrices de valeur sont les différentes activités physiques et
technologiques qu'une firme réalise. La chaîne de valeurs de n'importe quelle
firme se compose de neuf catégories d'activités fondamentales, parmi
lesquelles cinq sont des activités principales (logistique interne, production,
logistique externe, commercialisation et vente, services) et quatre sont des
activités de soutien (infrastructure de la firme ou les fonctions générales
de direction et d'administration de l'entreprise, gestion des ressources
humaines, développement technologique et approvisionnements) (op. cité, p.
53).
Selon le secteur, l'une ou l'autre de ces activités peut
avoir une importance vitale pour l'avantage concurrentiel. Mais quelle que soit
la firme, toutes les catégories d'activité seront présentes à un degré ou
à un autre. Au sein de la chaîne de valeur, les liaisons peuvent conduire à
un avantage concurrentiel de deux façons : par optimisation ou par
coordination.
Par ailleurs, il n'existe pas seulement des liaisons au sein
de la chaîne de valeur d'une firme, mais aussi entre les chaînes de valeur
d'une firme et les chaînes de ses fournisseurs et des circuits de distribution.
On peut imaginer la création d'un avantage en optimisant l'exercice conjoint
des activités entre les chaînes de la firme et du fournisseur. De même, la
différenciation qui s'acquiert en créant de la valeur pour le client s'obtient
en influençant la chaîne de valeur du client.
L'étendue du champ concurrentiel peut avoir un puissant
impact sur l'effet recherché, parce qu'elle modèle la configuration et les
mécanismes économiques de la chaîne de valeur. Le champ concurrentiel a
quatre dimensions susceptibles d'influer sur la chaîne de valeur:
- l'étendue du segment ou l'ensemble des variantes du produit fabriquées
et des clients desservis;
- le degré d'intégration, c'est-à-dire la mesure dans laquelle les
activités sont réalisées à l'intérieur de la firme plutôt que par des
firmes indépendantes;
- l'étendue géographique, c'est-à-dire l'ensemble des régions, pays ou
groupes de pays dans lesquels une firme lutte avec une stratégie
coordonnée;
- l'étendue sectorielle, c'est-à-dire l'ensemble des secteurs connexes
dans lesquels la firme opère avec une stratégie coordonnée.
L'avantage de cette méthode d'analyse est qu'elle peut
s'appliquer à l'analyse des firmes diversifiées. Or, les travaux réalisés
sur la comparaison des majors Français et Britanniques (Beckouche et al
1992) ont permis de souligner l'importance prise par la diversification
verticale et horizontale dans le développement des grands groupes de la
construction en France et au Royaume-Uni. Ils ont montré simultanément les
différences dans les axes de diversification dans chacun des pays. Ces
différences n'excluent pas que l'on se retrouve à la fin des années 1980 avec
des groupes industriels qui relèvent de deux catégories tant en termes de
propriété du capital qu'en termes d'activités: les groupes bi-sectoriels
(combinant une activité construction et une activité éloignée de la
construction: en France, construction et services urbains, au Royaume-Uni,
construction et shipping ou autre) et les groupes diversifiés,
c'est-à-dire dont l'activité se répartit entre des domaines plus divers (Ive
1994).
L'analyse de Porter peut être utilisée non seulement pour
comprendre les raisons de la constitution de ces groupes sous l'angle de
l'avantage concurrentiel attendu de chaînes de valeur liées à ces
configurations des activités dans le pays d'origine, mais aussi sous l'angle de
l'avantage concurrentiel que cette configuration et la coopération avec
d'autres firmes aux configurations semblables ou différentes peuvent avoir sur
les marchés internationaux. Dans l'un et l'autre cas, la nature et la qualité
des interconnexions apparaît déterminante.
L'avantage pris sur la concurrence dans un secteur peut se
trouver fortement renforcé par des interconnexions avec des unités de la firme
qui luttent dans des secteurs voisins, lorsqu'il est possible d'assurer ces
interconnexions. Les interconnexions entre unités de l'entreprise sont le
principal moyen par lequel une firme diversifiée crée de la valeur. Elles
forment ainsi l'assise d'une stratégie globale.
Dans les contextes concurrentiels des années 1980, la
stratégie horizontale qui consiste à passer les frontières des divisions et
à assurer une coordination explicite entre les unités de la firme prend une
importance croissante. En s'appuyant sur l'avantage concurrentiel et non sur des
considérations financières et boursières, la stratégie horizontale – qui
fait de la stratégie du groupe ou du siège quelque chose de plus que la somme
des stratégies propres aux différentes unités – constitue une réponse
appropriée au développement de la concurrence multipolaire. Par un certain
nombre d'aspects, les analyses de Porter abordent la relation de la firme et de
son environnement dans un contexte qui est déjà celui de la mondialisation du
capital, de la transformation des marchés et de la révision de la notion de
groupe ou d'entreprise multinationale, analyse qu'il prolonge par son ouvrage de
1986.
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