PORTES-LES-VALENCE : DE LA LOGIQUE INDIVIDUELLE A LA LOGISTIQUE PARTENARIALE

Le groupe de travail Logistique et PME s’attache, au travers d’analyses d’opérations expérimentales Chantier 2000, à faire émerger les points essentiels d’amélioration de l’organisation logistique des chantiers. La REX de Portes-lès-Valence (50 logements collectifs PLA répartis sur trois bâtiments) est l’une d’elles. A ce titre, la méthodologie de cette opération, conduite par la maîtrise d’œuvre et un groupement de PME (UDEC 26/07), s’est construite à partir de ces réflexions, et notamment sur l’explicitation des besoins et moyens logistiques de chaque entreprise, sur leur optimisation et leur coordination. Autre axe de travail : prendre en compte au niveau de la conception architecturale les contraintes influant sur l’organisation logistique du chantier (stockage des matériaux, circulations dans les bâtiments...).

UNE PLANIFICATION TCE DES APPROVISIONNEMENTS

Conception architecturale et logistique

Le premier point a consisté à intégrer lors de la conception architecturale plusieurs contraintes liées à la logistique. Richard Chambaud, architecte de l’opération a proposé plusieurs solutions. Ainsi, l’organisation en " U " des trois bâtiments favorise l’utilisation d’une seule grue et le stockage à pied d’œuvre des matériels et des matériaux ainsi que leur approvisionnement dans les logements. De même, les bâtiments ont été conçus de manière à faciliter les circulations horizontales, à partir des loggias, à chaque niveau de l’ouvrage. Le regroupement des loggias de deux logements favorise en outre une surface et une profondeur suffisantes pour être utilisés comme aires d’approvisionnement des matériaux et de stockage des déchets. Ou bien l’effort de standardisation des menuiseries extérieures qui permet de conditionner par logement plutôt que par type de menuiseries. Autre point : le report à l’extérieur des réseaux de VRD qui offre une synchronisation plus aisée avec les entreprises chargées (par la municipalité) de leur exécution.

Planifier en quantifiant les approvisionnements

Les six réunions de préparation de chantier avaient pour objectif de définir un projet logistique à partir des besoins de chaque entreprise, notamment en élaborant un planning d’approvisionnement détaillé indiquant semaine par semaine les heures prévisionnelles de livraison. Traduction de cette préparation : un planning d’exécution tâche par tâche, répertoriant très précisément les volumes de matériaux et les temps d’approvisionnement entreprise par entreprise. Comme le précise Pascal Blondot (UDEC), " ce planning - c’est une première - quantifie l’ensemble des besoins des entreprises de second œuvre et permet de choisir les moyens logistiques communs, compatibles et coordonnés ". L’entreprise de gros œuvre (Malosse) a par ailleurs travaillé en forte concertation avec les corps d’état, à la fois sur l’utilisation de la grue mais aussi sur les problèmes d’interfaces générant de la co-activité.

En phase opérationnelle, ce travail a trouvé son prolongement dans les réunions de chantier durant lesquelles les entreprises de second œuvre planifiaient leur approvisionnements pour la semaine suivante en fournissant à l’entreprise de gros œuvre les informations relatives aux dates et heures de livraison, aux volumes et durées prévisionnelles de manutention. La mise à disposition de la grue au second œuvre (16 heures par semaine) a fait l’objet d’une procédure écrite très stricte, précisant notamment que " chaque camion non accompagné de l’utilisateur, ou non prévu sur le planning de livraison, est systématiquement renvoyé ". Conséquence : les approvisionnements se sont déroulés sans incident. Après le démontage de la grue, les entreprises ont fait appel, soit à leur moyen de levage habituel pour la réalisation de certaines tâches spécifiques (camion-grue du fournisseur du plaquiste ou camion-grue pour la fermeture des cages d’escalier), soit à un chariot-élévateur télescopique mis en commun. A cet effet, les livraisons ont été regroupées afin de faciliter les 22 heures d’approvisionnements prévus. Le chariot-élévateur ne sera effectivement employé que durant deux sessions de quatre et deux heures. Trois raisons à cela : la réalisation en parallèle des VRD qui a empêché d’utiliser l’engin de levage au-delà des deux premières sessions, le regroupement contraignant de certaines livraisons, et le manque d’intérêt des corps d’état (notamment ceux de finition) pour ce mode de levage. A noter que le regroupement des livraisons de corps d’état différents montre ses limites, dans la mesure où il induit des approvisionnements à des moments inadéquats avec l’avancement du chantier. Exemple : les appareils sanitaires et de chauffage qui avaient été livrés avant la réalisation des sols et qu’il a fallu redéplacer.

Une amélioration des performances individuelles des entreprises

Quelques exemples. La planification et la réservation à l’avance de la grue ont permis au charpentier, habituellement tributaire du " bon vouloir " de l’entreprise de gros œuvre, d’organiser de manière efficace ses approvisionnements à pied d’œuvre, soit par l’intermédiaire d’une recette, soit directement sur la dalle du dernier niveau de bâtiment. L’étancheur a quant à lui réalisé un colisage par kits en atelier pour chaque terrasse (y compris solins, naissances, jets d’eau...) qui a considérablement minimisé les manutentions sur site. Le lot cloisons-doublages a fait l’objet d’un approvisionnement par le camion-grue du fournisseur directement sur les loggias et par la grue du gros œuvre pour les derniers niveaux, démontrant ainsi la complémentarité des deux moyens de levage. Pour les lots de finition, l’architecte avait prévu un plan en couleurs afin de permettre à l’entreprise de préparer un quantitatif par logement des matériaux à livrer. Enfin, le plombier-chauffagiste (Billon) a conditionné ses livraisons en kits par logement.

Bilan

Selon Marc Gibert (CETE de Lyon), évaluateur de la démarche, " on peut estimer que, par rapport à un chantier " tout banché ", le choix constructif basé pour partie sur l’utilisation de l’agglo a permis de dégager 230 heures de disponibilité de grue supplémentaires ". Bien au-delà de ce choix, c’est la méthode - innovante - qui a permis ici d’être efficace. On a associé au planning général d’exécution un planning d’approvisionnement des matériaux incluant un quantitatif, le tout en corrélation avec les moyens de levage. Parallèlement, chaque corps d’état a travaillé sur le conditionnement de ses matériaux, ne se contentant pas seulement d’une " assistance logistique " par la grue du gros œuvre. Sans oublier l’architecte et l’UDEC 26/07 qui, tant du point de vue de la conception que du pilotage, ont synthétisé les problèmes organisationnels et techniques. L’opération a aussi montré que les entreprises de finition ont tout intérêt à chercher des outils de manutention communs pour les amenées à pied d’œuvre. L’organisation partenariale des professionnels a démontré sur cette opération son potentiel; elle a aussi prouvé qu’il est possible de mobiliser des corps d’état en phase de préparation dès lors que leur désignation s’effectue suffisamment en amont. Ce n’est un secret pour personne, mais le mérite de cette REX est de l’avoir fait.